« Il m’a trompé avec cette pute, t’imagines? » Vous avez sûrement déjà entendu, voire prononcé cette phrase. Vous avez sûrement déjà consolé une amie en lui disant que « l’autre » était une pute, une salope, une sans-âme, ou que sais-je encore. Je ne vous jette pas la pierre, vous essayiez de consoler une amie. Mais penchons-nous deux minutes sur cette histoire « d’autre ».
J’ai été « l’autre », la « salope ». Quatre fois. Pour quatre filles différentes. Je pense qu’à ce jour, elles ne sont pas au courant. J’ai fait l’amour à quatre garçons casés, en couple monogame et exclusif, cela va de soi. Pourquoi? Si je m’adonnais à la psychologie de comptoir, je dirais que c’est parce que je recherche en permanence les relations sans avenir afin de ne pas être déçue. Si je penchais du côté pessimiste de mon être je dirais que c’est parce que je suis la fille sur qui on fantasme mais avec qui on n’envisage pas de construire quelque chose de stable.
Je parie un bol de riz qu’à ce stade de mon article, vous m’avez déjà cataloguée. Vous avez une image bien précise de moi en tête. Je vais vous décevoir mais sachez que je ne déteste pas les femmes. Ni les hommes, d’ailleurs. Et ça ne me fait pas bander que mon amant soit en couple. Je ne les ai pas choisi pour ça. Ca m’est tombé dessus. Mais reprenons, si vous le voulez bien, depuis le début.
« Tous les mêmes, et y’en a marre »
C’est qui est étonnant, ce que dans l’imaginaire collectif, les autres sont toutes identiques, fonctionnent de la même manière : «Toutes les mêmes». En ce qui me concerne, mes histoires sont toutes les quatre différentes et ont chacune leur spécificité. La première fois, il s’agissait de mon fantasme de longue date. Un ami, à qui je n’ai jamais pu résister. J’ai culpabilisé le lendemain, quand je l’ai entendu l’appeler amour. Le deuxième, je ne me souviens même pas de son prénom. C’était un coup de cœur & de reins, au détour d’une journée morne. Son accent anglais m’a fait frétiller, je me suis laissée aller et j’en ai retiré beaucoup de plaisir. Avec le troisième garçon, notre « méfait » n’était que virtuel : des sextos, des échanges, des sous-entendus graveleux, des photos, des orgasmes synchronisés. Plusieurs fois. Pour moi, ça avait un goût de nouveauté, d’expérience, de danger. Il ne fallait pas laisser traîner les photos, il fallait effacer les conversations et surtout, ne jamais en reparler. Pas une seule fois je n’ai pensé à sa copine.
La quatrième fois est particulière, parce qu’elle s’est installée dans la durée. C’est comme cela qu’à commencé mon histoire avec Marcellin. L’alcool aidant, un soir d’hiver, nous avons fini la nuit d’une façon pas très catholique. Le lendemain, il m’a pitoyablement avoué être en couple. Ma première réaction à été de m’en foutre, royalement. Je m’en suis moi-même étonnée. Je me suis demandé si j’étais normale de penser cela, de ne pas être jalouse. Et puis, on a remit ça. Une fois. Deux fois. Trois fois. Il répétait qu’il était stupide qu’il ne devait pas faire ça, mais qu’il était bien avec moi. Et puis, un jour il m’a dit qu’il l’avait quittée. Je n’en ai jamais su plus et je ne voulais pas savoir.
Pendant le temps où il jonglait entre nous deux, je n’ai jamais cherché à savoir qui elle était, si elle était plus belle que moi, plus intéressante, plus drôle. Je m’en foutais, elle n’existait pas. Tant qu’on n’en parlait pas, elle n’existait pas. Je gérais très bien la situation et ne ressentais aucune culpabilité. C’est plusieurs mois plus tard, le soir de mon anniversaire que j’ai ressenti le choc. Un ami très proche me parlait de sa meilleure amie qui s’était fait plaquée, quelques mois auparavant. Par un garçon ressemblant étrangement à Marcellin. C’est ce soir là que l’ami en question m’a montré une photo de cette fille, m’a dit son prénom, ce qu’elle faisait dans la vie. Et la culpabilité m’est tombée sur le coin de la gueule. Je m’en suis voulue. Mais pas longtemps. Quelques heures, peut-être. Le temps d’effacer son visage de ma mémoire.
« Cruella, Don Juan et la victime »
Il est maintenant temps pour moi de mettre fin aux rumeurs, aux clichés et aux jugements sur ces deuxièmes. Le désir, tout comme l’amour, ne se choisit pas. Il se subit : lorsque les deux partenaires sont consentants pourquoi devrait-on lutter contre ce désir? Se laisser aller à une envie réciproque est une des plus belles choses qui existent. Je n’ai pas choisi mes amants en fonction de leur statut amoureux. Je les ai choisis pour eux. Parce que j’avais envie d’eux, et qu’ils avaient envie de moi. Il faut arrêter de croire que dans ces relations, l’autre est la seule coupable. On parle ici de deux personnes adultes, consentantes et maîtresses de leurs actes. Des deux côtés : autant pour la personne en couple que pour l’autre. Il faut arrêter d’avoir l’image manichéenne de la maîtresse diabolique, du salaud et de la victime. Il faut arrêter les cases. Les sentiments présents dans ce genre de triangle sont tout sauf simples.
On entend régulièrement de la bouche de ceux n’ayant jamais connu cette situation qu’il « suffit de le quitter » qu’il « suffit de ne pas baiser » que « si ça m’arrivait, je résisterais ». Et ça me fait doucement rire. Ce serait comme dire à un fumeur « tu sais que c’est mauvais pour la santé, tu devrais arrêter ».
Avant, j’étais comme eux. Je disais que jamais Ô grand jamais je ne pourrais être l’autre et que que je ne pourrais pas tromper mon amoureux. Aujourd’hui, je relativise tout ça. Je me rends compte que tout cela est loin d’être aussi évident et limpide que dans nos idées. C’est bien beau de vouloir vivre selon des principes, c’est même admirable, mais il faut affronter la réalité et se rendre compte que le monde ne tourne pas toujours comme on le voudrait. Qu’il y a des à-coups, des bosses, des obstacles et qu’ils ne sont pas si facilement franchissables. Par exemple, à ce jour, je ne suis pas sûre de pouvoir être fidèle. Il y a un ou deux hommes dans ma vie pour qui je pense être capable de tromper n’importe qui.
Valkyrie, l’amie-sur-le-fil
Un autre cliché qu’il me faut absolument mettre à mal est celui de la maîtresse ayant pour but de briser un couple. Jamais je n’ai rencontré une personne dont c’était la motivation. Je ne pense pas que les Hommes soient mauvais par essence. Pour mieux éclairer cette partie de mon article, j’ai posé quelques questions à une amie, Valkyrie. Elle a vécu deux histoires en tant que l’autre. Je me suis concentrée sur la deuxième histoire, celle qui m’intéressait pour avoir une situation différente de la mienne. Valkyrie fréquente depuis quelques mois un garçon casé. Voici mes questions :
Comment ton histoire a-t-elle commencée?
« Il en pinçait visiblement pour moi, j’ai fini par en pincer pour lui. Ça a duré un petit moment comme ça, une jolie et douce parenthèse où il se chargeait d’occuper une grande partie de ma vie et de mon futur surtout. J’ai cru que c’était fait parce que tout portait à croire qu’il avait les mêmes intentions que moi. Et j’ai appris qu’il avait une copine, pas de sa bouche. La copine, je m’en fichais, c’est le mensonge que j’ai pas trop supporté : me faire miroiter monts et merveilles tout en sachant qu’il ne comptait rien donner derrière. Puis finalement, j’ai pardonné son mensonge parce que j’étais déjà clairement accro.
Et on a continué, jusqu’à aller beaucoup plus loin, quasiment une relation parallèle. Sauf qu’on ne l’a jamais clairement définie, d’où le « quasiment ». Alors je sais pas trop où me situer, parce que je suis plusieurs choses à la fois, enfin du moins, je le crois. Mais une chose est sûre, je ne suis pas son amoureuse, ni la première (l’officielle), ni la deuxième (l’amante), ni la 36ème si il y en a d’autres. Mais je suis plus qu’une parenthèse sexe, je suis une amie sur-le-fil, une amie bancale, une amie qui-arrange-bien. Une amie qui a toutes les qualités d’une amoureuse et d’une amante mais qu’on ne veut pas aimer. Je sais pas trop pourquoi, peut-être parce que cette relation lui semble idéale. Il à l’air d’apprécier en tout cas. »
Est-ce que tu penses parfois à elle? Est-ce que vous en parlez ?
« Je pense parfois à elle. Je pense surtout à eux en fait, j’aimerais connaître l’histoire de leur couple, ce qu’il a pensé d’elle la première fois, et elle, ce qu’elle pense de lui. J’aimerais qu’on décrive mutuellement le mec qu’on fréquente toutes les deux. Je ne sais pas pourquoi, j’aimerais comparer nos avis. Je me rappelle des trois uniques fois où on en a parlé. La première, parce que je l’ai obligé, vu que je venais d’apprendre son existence. On l’a simplement évoqué : « ta copine ». La deuxième, parce qu’il me parlait du magasin où il avait acheté son cadeau d’anniversaire. Et la troisième, parce qu’il était parti en vacances avec elle. Tout ce que je connais d’elle se limite à ça : « Ma copine », « Son cadeau d’anniversaire » et « nos vacances ». On n’en parle jamais. Jamais jamais jamais. Je ne saurais même pas quoi demander, aucune question ne me brûle les lèvres à son sujet.»
Est-ce que tu culpabilises? Pourquoi ?
« Dans les deux cas, je n’ai pas culpabilisé et je ne culpabilise toujours pas. Pour la première, je n’ai pas culpabilisé, parce que c’est pas mon problème, c’est le sien. Il a une copine, à lui de voir si il remplit l’accord qui existe entre eux. Moi je n’en ai pas connaissance et je n’ai rien signé. Je n’ai aucun accord entre lui, elle et moi. C’est entre lui et elle, et lui et moi.
Pour la deuxième, la raison est la même. Je ne ressens ni culpabilité ni peine. Parce que contrairement à la première, qui a été une tromperie renouvelée mais d’une durée éclair, je n’ai pas eu le temps, si j’avais voulu, d’avoir de la peine.
Là, dans cette deuxième histoire qui dure depuis un petit moment, je pourrai avoir de la peine. Objectivement, me dire que, putain, si elle savait. Que je n’aimerais pas être à sa place etc. C’est d’ailleurs la principale réaction quand je parle de cette histoire « Oh la pauvre ». Oui, certes c’est pas sympa, merci bien mais à quoi ça va me servir de la plaindre? Encore une fois, ce n’est pas un sentiment que je dois ressentir, c’est à lui de le ressentir, pas à moi. Si quelqu’un doit culpabiliser ou être peiné pour cette fille, c’est bien lui.
Je n’ai rien brisé. Moi j’étais juste la fille de l’ombre, j’en ai clairement conscience, ça n’empêche pas que j’en souffre, et ça n’empêche pas non plus que j’ai des moments down et où j’aimerais qu’on me plaigne, qu’on me rassure. Même si je sais, de base, que je me suis foutue dans une situation de merde. A qui ça viendrait à l’idée de dire « HAHA tu l’as bien cherché» à quelqu’un qui a glissé d’une falaise? »
Que voudrais-tu dire à ceux qui te jugent, pour ça ?
« Qu’il faut arrêter de juger, tout simplement. Est-ce que ces personnes qui jugent aussi facilement ont résisté à leur copain/copine? Et si il/elle avait eu un(e) copain/copine, est-ce que l’attirance serait partie de manière magique? Non.
Ils se trompent de cible. Les deuxièmes peuvent aussi souffrir, et pourtant, elles n’ont rien cherché, contrairement à ce que la Brigade des Grands Inquisiteurs de la Morale pousse à nous faire croire. Mais elles peuvent aussi très bien le vivre et y trouver leur compte. Qu’on nous laisse libres, c’est tout.
Il ne me viendrait pas à l’idée de mépriser les filles cocues parce que soit disant elles ne se rendent compte de rien, qu’elles ne rendent pas leur mec heureux dans certains cas ou parce qu’elles sont les pires chieuses de la Terre. Pourtant, à moi, on fait le raccourci. Manquer de respect est un acte tellement violent. Je ne demande pas qu’on cautionne, je demande juste qu’on respecte. Parce que c’est pas moi qui suis irrespectueuse, c’est bien celui ou celle qui a trompé. C’est lui ou elle qui a tout détruit. Chacun est libre. Je ne vole rien à personne parce qu’on est la propriété de personne, si ce n’est de soi-même. »
« J’espère qu’un jour ça t’arrivera »
J’ai souvent lu et entendu ces réflexions que Valkyrie supporte à longueur de journée : on ne « mérite pas le respect », c’est normal si « on ne nous aime pas », il faudrait qu’un jour « ce soit nous dans la situation inverse ». Peut-être vous-même avez-vous déjà pensé ou prononcé ces phrases.
Essayez de vous mettre à la place de la personne à qui vous dites cela. Vous ne vous en rendez peut-être pas compte, mais ces paroles sont d’une extrême violence. Vous retirez le droit au respect à quelqu’un que vous ne connaissez ni d’Eve ni d’Adam parce qu’elle n’agit pas selon vos lois, vos valeurs et votre façon de vivre. Ces deuxièmes sont tout aussi humains et dignes de respects que n’importe quelle autre personne.
C’est là que se situe le grand problème : rejeter ceux qui n’ont pas la même vision et les mêmes expériences amoureuses/sexuelles que nous. Il suffit de voir le déferlement de haine sur chaque article traitant d’infidélité, de liberté sexuelle, de libertinage, de relation libre. Il suffit de voir les regards inquisiteurs et bourrés de mépris lorsqu’on dit qu’on est la deuxième, ou qu’on vit une relation ouverte. Il suffirait que chacun accepte que le monde est fait de diversité, que chacun vit sa sexualité différemment de son voisin et que ni l’un ni l’autre n’est mieux ou moins bien. C’est facile à dire, je sais. Il paraîtrait que je sois utopique.
Je comprends et j’accepte tout à fait que chacun ait ses propres valeurs, c’est même plutôt normal. Là où ça bloque c’est à partir du moment où chacun cherche à imposer sa morale aux autres. On ne peut pas forcer les autres à penser comme nous, à ressentir comme nous et à vivre comme nous.
Ne vous méprenez cependant pas. Je ne prône pas l’infidélité, mot que je trouve d’ailleurs assez laid. Je ne suis pas fière de mes actes, je ne les revendique pas. Mais je ne les dissimule pas non plus et je n’en ai pas honte, ils font partie de moi et je n’accepte pas d’être jugée sur base de ces actes seuls.
Alors, la prochaine fois que vous tombez sur une autre, ne pas la jugez à l’emporte pièce. Si elle (ou il, ne soyons pas sectaires) veut en parler, poser lui les bonnes questions. Dites-vous que vous êtes face à un être humain, avec des sentiments, des peurs et des envies. Exactement comme vous.
Et vraiment, arrêtez les cases.
13 réponses à De l’autre côté de l’infidélité