Je me rappellerai toujours de mon premier clic sur Redtube. Lorsque j’ai découvert les rubriques. Lorsque j’ai enfin compris quels étaient les fantasmes « dominants ». Sans surprise, teintés de sexisme, les femmes toujours soumises et ultra-sexualisées.

Mais je ne vais pas vous parler de cela, non. Le sexisme dans le porno, ce sera une autre fois. Non, je vais donc, vous dis-je, aborder un sujet moins traité et qui me semble néanmoins primordial.

Je gambadais donc joyeusement entre la catégorie « Teen » et celle « Furry » quand j’aperçu une case qui m’a depuis, largement retourné le cerveau :

« Interracial ».

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Quel est le fuck du pourquoi du donc du porqué ?

 

Je découvrai donc que le sexe entre différentes « races » (concept fallacieux puisque tout être humain est un produit de métissages) était un sexe particulier. C’est à dire que le sexe que JE pratique, en tant que personne métissée, n’est pas du sexe casual. On m’aurait menti alors ? Je ne baise pas façon vanille, SM, bondage ou urophile mais en version « Inter-raciale » ? Ah eh bien merci de me l’apprendre RedTube.

 

Encore un peu et j’allais oublier que je ne suis déterminée que par ma couleur de peau. C’est vrai quoi, deux personnes qui n’ont pas le même épiderme (donc, les mêmes gènes) qui osent braver les tabous et baiser ensemble ? REVOLUTION. Même Martin Luther King ne l’avait pas vue venir celle-là !

Plus sérieusement, je m’apprête donc à aborder un sujet assez complexe, vaste…Ne me jetez pas de capotes usagées si je m’y perds.

Rien que pour vous, le racisme sexué. Ou le racisme dans le sexe. Ou autour. Enfin BREF. Racisme + Cul.

Je vous préviens tout de suite, personnes à la peau blanche, vous risquez de découvrir quelque chose que vous ne soupçonniez pas jusque là. C’est un peu comme lorsque l’on parle de harcèlement de rue à des hommes biologiques.

Après, je parle bien sûr des pays occidentalisés où le modèle caucasien est roi et non pas de ce qui se passe en Afrique, au Moyen-Orient ou en Asie. Un environnement dans lequel le/la non-blanch(e) est perçu(e) comme « exotique » . Mon environnement.

 

Avant toute chose, je sais pertinemment que nous avons le droit de bander sur ce qu’il nous plaît (tant que c’est légal chicos). Donc, on a parfaitement le droit de triper sur les Maghrébins, les Sud-Asiatiques, les Antillais ou les Européens du Nord. Là n’est pas la question.

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Ce qui me dérange dans le « Interracial  sex », c’est premièrement la remarque implicite selon laquelle, deux personnes d’origines différentes qui font l’amour c’est singulier et ensuite les préjugés sociaux qui en résultent ou sont à l’origine de cette catégorie du porn.

 

Je ne sais pas si vous avez remarqué mais le nombre de couples « mixtes » (oh que je hais ce terme) représenté dans les médias, tous types confondus, rase les pâquerettes. Les gens baisent entre communautés. Très souvent, trop souvent. La ségrégation sociale qui persiste s’observe jusqu’au pieu. Alors vite, dès lors que les barrières sociales et le bullshit qui va avec tombent, on s’empresse de signifier à quel point c’est ahurissant ! Enfin, un(e) blanc(he) au pieu avec un-e (insérer ici un autre genre humain dit « exotique » ) c’est comme si deux hommes pouvaient se marier quoi ! Quoi ? Ah ? Ah bon ? Z’êtes sûr(e)s de vous là ?

 

Mais quand même, ça doit bien être différent non ? Il n’y a pas le même langage du corps, les mêmes positions favorites…la structure osseuse n’est pas la même enfin !! Et puis euh, il y a des pulsions liées aux gènes hein ? HEIN ?

Eh bien non, navrée de vous décevoir mais je baise comme une caucasienne. Et comme une asiatique aussi. Et comme une africaine, comme une meuf de Moyen-Orient ou de Laponie. J’vous jure, ma cyprine n’a pas le goût du Colombo et je ne jouis pas en créole. Dingue non ?

Alors là, vous riez. Vous vous dites que j’exagère, que je nage en plein délire. Et pourtant, il en existe des gens qui pensent que la couleur de notre peau, le plissement de nos yeux ou la frisure de nos cheveux influent sur nos ébats.

Je ne compte pas le nombre de remarques telles que « Je me suis jamais tapée une Arabe », « Ah les cheveux frisés c’est tellement plus fou, plus libéré » et autres absurdités.

 

Il y a vraiment des gens qui s’imaginent que les indigènes que nous sommes sont forcément des occasions spéciales du sexe.

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On retrouve la bonne vieille pensée colonialiste version 2.0, transformée en fantasme pour mieux faire passer la pilule. Derrière ces sourires en coin et ces insinuations graveleuses persiste la même idée : Tu n’es pas comme tout le monde, tu n’es pas « normal(e) », tu es autre, à part et je compte bien te faire ressentir ta solitude.

 

Vous allez arguer que certains font une fixation sur les cheveux blonds ou les tâches de rousseur, alors pourquoi pas une couleur de peau ? Parce que c’est systématiquement quelque chose qui arrive aux non-blancs. Les caucasiens, eux, sont la norme, le quotidien, le classique. Ce que tout le monde connaît et approuve. Mais les autres là, les Benetton, ils n’ont pas le même fonctionnement, c’est sûr. Il ne se passe pas la même chose dans leur tête alors dans le pieu, ça se ressent.

 

Oui, c’est clairement ça l’idée. Penser que selon les gènes, le cerveau change, la façon de gérer les émotions change…C’est encore et toujours faire des non-blancs les bêtes de foires, les curiosités, les freaks.

La petite escapade furtive hors des sentiers battus histoire de voir comment ça se passe du côté des marginaux.

Les Blancs sont le fantasme de TOUS. Ils rentrent dans toutes les catégories. Après, pour les autres, on a les colorés.

 

Je ne peux énumérer le nombre d’ami(e)s qui ne sont attirés que par des personnes blanches et n’imaginent pas une seconde que c’est un déterminisme social.

Je ne peux penser au nombre de fois où je suis surprise quand j’entends quelqu’un me dire « Ah j’adore tes cheveux/ta peau ». On m’a tellement appris que le désirable, c’est l’Autre.

D’ailleurs, le racisme sexuel, c’est à la fois une attraction incroyable et un rejet total.

Car si le Blanc est la référence, le non Blanc doit s’adapter. Eh oui. Parce qu’en vrai, les gens qui ne sont pas blancs, ne sont désirés que par une minorité, qui va kiffer le « Interracial ».

La plupart des gens avec qui j’ai parlé, qui n’aiment pas (sexuellement/physiquement parlant) les Asiatiques, Maghrébins ou Africains expliquent leur goût par une aversion pour certaines caractéristiques typiques de ces origines : nez épaté, yeux bridés, cheveux crépus…Forcément, les gens qui possèdent ces caractères physiques se sentent rejetés, comme toutes ceux marginalisés par les médias et la société. Alors ils tentent de s’adapter, de montrer qu’ils peuvent s’effacer peu à peu pour coller à la norme.

On laisse donc la sursexualisation de certaines communautés pour arriver au gommage des différences physiques entre les elles.

 

Les cheveux lisses ou l’exemple type du matraquage pro-Blanc qui est fait. Les cheveux frisés/bouclés/crépus, c’est les Noirs, les Latinos voire pire…certains Arabes (mot qui recouvre un nombre incalculable d’origines pour toute personne lambda alors qu’une personne d’Egypte n’a rien à voir avec une personne du Koweït…).

Donc on lisse, on défrise, on crame le cheveu afin d’arriver à un brushing impeccable. Mouiller sur une basanée, certes, mais faut qu’elle reste un minimum occidentale sinon c’est carrément tordu.

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L’éclaircissement de la peau, le débridage des yeux sont des mutilations tout aussi explicites.

 

Même l’élimination du poil peut trouver ses fondements dans le racisme ! Les personnes mâtes sont souvent plus poilues, ont le poil noir et donc bien voyant. Les blond(e)s, rou(x)sses et châtains sont nettement moins pileux que leurs voisin(e)s. Ou alors ça ne se voit que peu. Et comme ils/elles sont la référence, les poilu(e)s n’ont qu’à s’aligner.

 

Alors, certes, certes il y a aussi la grossophobie, la marginalisation de ceux dont les traits les classent dans la catégorie « moche » (totalitaire, soit dit en passant) ou de celles et ceux qui n’ont pas de genre sexuel défini…Mais je parle de ce que je connais. De mon ressenti.

J’aimerais que l’on arrête de voir celles et ceux qui n’ont pas cette fameuse peau blanche comme exotiques ou rebutants.

 

J’aimerais que la multiplicité des couleurs de peau soit la norme.

 

Que plus personne ne s’étonne quand un pote ramène une meuf noire ou quand une amie avoue tripper sur les Maghrébins only. J’aimerais que l’on ne me demande plus si je ne veux pas lisser mes cheveux pour être « plus sexy ». J’aimerais que les catégories soient « white girl, ebony, latinas » ou ne SOIENT PAS. Si je vois une catégorie « Asiatique », je dois voir une catégorie « Caucasienne ». Et pas « Blonde » ou « Brunette ». Il y a des blondes chez les Latines comme chez les Asiatiques ou les Caucasiennes. Mais être caucasien(ne) est la référence, on décline seulement avec les couleurs de cheveux, la morphologie.

La norme n’est pas d’être blanche + ses déclinaisons et ensuite les autres. La norme, c’est d’être humain.

 

Néanmoins, lorsque je pousse la réflexion un brin plus loin, je me demande si ces catégories ne peuvent pas aussi signifier une remarquable avancée des mœurs aux yeux de tous : on ose mouiller et bander sur ceux qui étaient jusqu’au siècle dernier (et encore aujourd’hui mais ça me navre de l’écrire) perçus comme « les Autres ».

On ose clamer son goût pour quelqu’un pas forcément approuvé par la norme sociétale. On ose affirmer que le sexe est aussi bon, quels que soient les gènes. Pour faire simple, vouloir se branler uniquement sur des femmes asiatiques, c’est juste une préférence, et plutôt que de devoir chiner sur le web sans but précis, on clique sur la catégorie qui recèle de vidéos qui nous excitent. Soit. J’achète. C’est tout aussi juste que ce que je peux énoncer au dessus.

 

Cependant, je continue d’entendre des phrases dans lesquelles la couleur de peau/communauté/je-ne-sais-comment-dire, n’est précisée que lorsque la personne n’est pas blanche. Je continue d’entendre parler de « Ce mec coréen, cette meuf renoie » et de « Ce mec barbu, de cette meuf blonde ». Deux poids, deux mesures. Les premiers, nous les décrivons via leurs caractéristiques physiques majeures, sur lesquelles ils n’ont aucune emprise, tandis que les seconds sont différenciés grâce à leurs détails physiques secondaires, qu’ils peuvent plus ou moins accommoder selon leur goût.

Alors, peut être qu’en Ethiopie ou en Ecuador, les gens diront « Blabla ai fait l’amour avec cette femme blanche ». Sûrement même, puisque les Caucasiens n’y sont pas la norme. Mais ici, en France, au sein d’une société pourtant assez éclectique, hétérogène…j’entends encore des termes visant à séparer, cloisonner les individus. Et ça me peine.

 

Peut être que j’exagère, peut être que c’est mon affect qui prend le dessus et brouille ma vision. Mais si aujourd’hui, on peut encore être aussi bouleversée dès qu’on aborde la question de fait houleuse de la couleur de peau, c’est qu’il y a une cause. Et justement, j’appelle tout le monde a enterrer, doucement, cette foutue cause.

 

Arrêtons de mettre les gens dans les boîtes. Un « Tu crois qu’une meuf arabe elle baise comment ? » est aussi vain et dérangeant qu’un « Mais comment font les lesbiennes pour faire l’amour ? ».

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Regardons au delà des labels. Ou alors, servons-nous de ces cases toutes faites pour encenser des gens et non pas les faire se sentir marginaux et esseulés.

Je terminerai sur une phrase hautement philosophique lue sur un tumblr random : Il n’y a que le linge sale qui devrait être séparé par couleurs.

 

Source Images : Tumblr (fuckyeahgaycouples.tumblr.com, interraciallove.tumblr.com)

3 réponses à La nuit, tous les chat sont gris. Et les canards.

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